Mounis, 23 ans, étudie les mathématiques depuis cinq ans. Il a commencé son parcours à l’ETHZ à Zurich, avant de poursuivre ses études à l’Université de Vienne, en Autriche. Son histoire universitaire est indissociable de sa santé mentale : dès sa première année, il a été diagnostiqué bipolaire de type 1. Et pourtant, ce diagnostic, crucial pour comprendre ce qu’il traverse, n’a pas été reconnu ni soutenu comme il l’aurait espéré.
Dès le départ, l’université lui a semblé être un environnement hostile. Trop d’interactions, trop de présence physique obligatoire, trop d’exigences sociales. « Je minimisais ma présence sur le campus. Je préférais suivre les cours seul, à distance, avec des manuels. » Ce mode de fonctionnement isolé, s’il l’aidait à tenir sur le moment, a aussi participé à son échec définitif à l’ETHZ.
Il explique : « Ma filière exigeait de travailler en groupe, de présenter au tableau chaque semaine… Pour moi, c’était insurmontable. » Lors d’une session d’examen, il a traversé un épisode maniaque sévère, le rendant incapable de passer les épreuves dans un état normal. Pourtant, lorsqu’il voulu déposer un recours, on lui a répondu qu’il fallait justifier l’absence avant l’examen. Ce moment a été un déclencheur brutal. « C’est là que j’ai compris à quel point les facs ne sont pas préparées à gérer la santé mentale. »
Pendant deux ans, il est resté sans traitement efficace. Ce n’est qu’après l’échec à Zurich qu’il a pu bénéficier d’un suivi sérieux avec un psychiatre, ce qui lui a permis de stabiliser sa situation et de reprendre des études à Vienne dans de meilleures conditions. Là-bas, il a commencé à aller plus régulièrement en cours, à renouer avec un semblant de vie étudiante. Son traitement médical joue un rôle fondamental dans cette stabilisation. « Mais il y a des effets secondaires. Parfois, je n’arrive pas à me réveiller, je dois abandonner certains cours. »
Ce qu’il dénonce le plus, c’est l’inadéquation du système universitaire face aux troubles psychiques. Même avec un certificat médical, il dit avoir souvent fait face à de l’incompréhension, voire de l’indifférence. « On nous dit que les dispositifs existent, mais ils sont là pour faire joli. Dans les faits, ils sont inaccessibles, inefficaces ou ignorés. »
Pour Mounis, ce qui l’aide à tenir, c’est d’abord son entourage : des amis qui restent présents, qu’il soit en phase dépressive ou maniaque. Il insiste : « Même quand ils ne comprennent pas ce que je vis, ils sont là, et ça change tout. »
Mais surtout, il milite pour que les universités soient vraiment éduquées aux enjeux de santé mentale, pas seulement sensibilisées. Il veut plus de formation, plus de flexibilité et plus d’humanité.
Son message est simple, fort, sans détour :
« Il n’y a pas de honte à demander de l’aide. Si tu veux t’en sortir, saisis toutes les opportunités disponibles. »
Et surtout : continuons à parler, encore et encore, pour que ça change.